Deux extraits présentés en permanence sur le compte Facebook de la galerie Lara Vincy (Paris)
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Pièce 1 :2 taches noires, 2008, Musique : Ballade par Melaine Dalibert (2013)
Galerie-Lara-Vincy
Pièce 2 : Eclipse, 2008
galerie Lara Vincy
AUTRES ANIMATIONS
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Les lignes infinies sont des animations de formes graphiques élémentaires et de durée indéterminée constituées de vecteurs, reliés entre eux et calculés en temps réel par l’ordinateur. Les premières sont réalisées en Basic au début des années 80 sur une console conversationnelle rudimentaire associée à l’Apple 2+ puis sur différentes machines (IBM XT, AT, BFM 86, etc…) jusqu’en 1992 notamment lors d’une exposition à la galerie Natkin Berta (Paris). À la fin des années 90, les programmes deviennent obsolètes et sont transcodés sur le nouveau logiciel Director. Si les lignes rendent hommages aux compositions de John Whitney, elles cherchent également à produire à partir de formes élémentaires contrariées (segments de droites, cercles, points…) des jeux formels et des contreformes. Leur générations stochastiques conteste l’esprit Gestalt de la “bonne forme” qui semble encore animer les recherches et les discussions sur l’art cinétique des années 60. Il s’agit d’afficher et de projeter à l’écran selon une fréquence spécifique de calcul, un nombre constant de vecteurs graphiques enregistrés qui réalise une figure plastique en reconfiguration permanente.
Le développement du tracé graphique (une ou plusieurs lignes) suit un mode de calcul élémentaire sous contraintes. Un état d’équilibre graphique s’accomplit lorsque la figure atteint un nombre de vecteurs spécifique, leur nombre demeure alors constant. Selon un scénario immuable, le plus ancien vecteur tracé disparaît, et laisse place, à l’autre bout de « la chaine », au calcul et à l’indexation d’une nouvelle position vectorielle, conduisant à une cinématique générative élémentaire de la ligne.
Faire et défaire en programmant
Les lignes infinies souhaitent convoquer côté élémentaire des animations primitives. L’économie et la simplicité graphiques s’exposent à la diffusion des images actuelles, elles questionnent le devenir de l’écriture et la mémoire. En programmant, le comportement avec les outils change : ni praxis, ni poïesis, le côté absurde et sempiternel des animations, à la fois singulières et quelconque contredit une culture du résultat. Renouant avec la Métis, il s’agit au contraire de laisser jouer la dynamique de l‘aléatoire et de la répétition, termes d’une processivité mise en œuvre et avec lequel nous (nous) assistons.
« Publier ou non son cerveau »
Au lieu de clôturer le sens du signe, de le définir, de le marquer, de l’écrire, d’en établir une idéalité qu’on projetterait sur les choses, au lieu de commencer par l’incarner, le programme au départ ne rassemble qu’une série de probabilités, la possibilité et l’impossibilité du tracé d’un cercle par exemple. Les séquences de calcul et autres variables graphiques élémentaires rassemblent un champ de possibilités et d’orientations plastiques que la machine choisira d’énoncer et de transformer en parcours. Le circonstanciel n’est plus dans ce travail génératif ce qui se tient autour, comme accessoire ou détail par rapport à quelque chose d’essentiel mais ce qui permet au potentiel d’advenir. Il s’agit alors de saisir l’occasion de facteurs graphiques favorables à l’œuvre (un jeu d’amplitude, une inclinaison, un jeu d’équilibre ou de déséquilibre…), leur configuration spatiale et leur variabilité temporelle restant accessibles par le jeu du codage.
Flux temporels élémentaires
Au lieu de fixer un but à l’action de programmer, il s’agit au contraire, comme l’écrit François Jullien, de se laisser porter « par la propension, à l’inclination, en s’appuyant sur le potentiel de situation » de l’espace plastique : rayon, amplitude, fréquence, phase… Compter sur le déroulement du processus de la machine pour atteindre l’inclination souhaité. Ce potentiel du génératif est conduit à se dérouler lui-même et nous porter. Il ne s’agit pas de « produire » un effort personnel, (les formes subjectives d’incarnation de l’artiste, ses investissements pulsionnels, etc.) que d’être porté par le conditionnement objectif du processus de calcul : c’est lui que je dois exploiter, sur lui que je dois compter, je n’ai qu’à le (me) laisser jouer.
Cette efficience au sein du programme aménage une place pour une création en procès. Elle n’est pas à rechercher de façon volontaire (comme on cherche à produire un effet) mais elle est appelée à découler du processus engagé. Son accomplissement est celui qui traverse les figures de l’inaperçu, du fluide, de la continuité mais aussi de l’anomalie, du bug, du raté, de l’erreur et de la sérendipité.
(1)
Il s’agissait d’un générateur graphique programmé pour l’exposition “ Smart Tech ” galerie Natkin-Berta, à Paris en 1992 avec, entre autres, Bill Fontana & Nissim Merkado. Il s’agissait d’une des premières galeries à présenter des travaux expérimentaux dans le domaine du numérique. Cette galerie a arrêté son activité peu de temps après. Stéphane Natkin est aujourd’hui Directeur de Recherches au CNAM de Paris, chercheur,spécialiste des jeux vidéo.