« Un éclair… puis la nuit ! » Territoires mobiles et coïncidences.
Oeuvres présentées à la Galerie Lara Vincy en 1999
Le choc et l’instantané Baudelairien à l’épreuve de l’ingouvernabilité.
Il s’agit de tirages originaux d’impressions jets d’encres n&b imprimés sur polyester au format A4 (21×29,7 cm) qui présentent un retard de séchage. Les images imprimées selon la technologie du jet d’encre basculent dans un espace analogique ingouvernable. Prolongeant la formation des images, les points se rencontrent, fusionnent et amplifient dans le temps leur programme, évoquant la mobilité des premières floculations photographiques et cinématographiques ou plus récemment les machines de vision satellitaire ou les caméras de sécurité défectueuses…
Les retards de séchages des impressions jets d’encre invitent à une projection Baudelairienne de la vie moderne en réactivant le fragment du poème « À une passante ». Ces expérimentations plastiques et paysagères, à mi-chemin entre la floculation photographique et l’empreinte picturale font hommage au pictorialisme des “Equivalents” d’Alfred Stieglitz. Ces images hybrides interrogent les limites de nos asservissements aux logiques de la standardisation de la technologie et les possibilités qui nous restent pour ensauvager les modes du graphisme de masse qui envahit le champ du visible. Les images nous interrogent sur leur capacité à restituer le champ perceptif. Elles conjuguent le lieu et le non-lieu tels qu’a pu les décrire Marc Augé à propos de la surmodernité : des espaces de transit aux singularités quelconques, la circulation et l’anonymat dans l’espace public, le ciel saturé d’ondes et parcouru de tout part, le curieux mélange de confusion et de singularité émanant des passants, les régimes de correspondances entre la matérialité des corps et les représentations à l’ère de la marchandise et de l’échange…
Ce travail explore également la capacité à défier les standards d’impression, en retourner la logique d’efficacité pour retrouver l’altérité des images, plus paradoxalement, lorsque l’on aborde le cas des images numériques par les croyances qu’elles véhiculent. Derrière la perfection de l’impression numérique, sa logique d’efficacité industrielle, son économie et sa rentabilité, nous souhaitons parasiter la matière de l’information et l’information de la matière. En énonçant cet objectif nous tentons de brouiller les évidences de la technologie, mettre en suspend l’économie informationnelle de l’image. Nous cherchons à y célébrer un mythe dont le bricolage fournirait l’occasion d’escamoter la visée industrielle du programme, et lui insuffler le désir de l’indéterminisme, de l’ingouvernabilité au cœur de la matière informationnelle. Le processus technique de reproduction par impression parasite un processus de représentation. Artefacts et images, vision et croyance se mélangent. Ce régime de contamination permet selon nous d’identifier comment peuvent se reconfigurer les problèmes de la représentation et de l’image à ceux de leurs commencements (auras, floculations, voiles, projections, points hypnogènes, psychicônes.), soit une archéologie imaginaire de l’image numérique à l’heure des machines de vision.
cf. mon texte réécrit en 2011